La dramathérapie/théâtrothérapie/art-thérapie par le théâtre
KESAKO ?
Cet article s’adresse à tous : que vous suiviez des études d’art-thérapie, et tout particulièrement de dramathérapie, ou que vous soyez curieux de nature.
Cet article a été rédigé avec le support des ouvrages de :
- Jean-Pierre KLEIN : Penser l’art-thérapie, Que sais-je sur l’art-thérapie et la dramathérapie.
- Renée EMUNAH : Acting For Real Drama Therapy Process, Technique, and Performance.
- Armand VOLKAS : Formations suivies et documents remis par Monsieur Volkas
Plan :
I. Vocabulaires, définitions et présentations.
- Vocabulaire
- Définitions et présentations
- Le psychodrame
- L’art-thérapie par le théâtre : la dramathérapie.
- Mais alors quelles différences entre le psychodrame et la dramathérapie ?
II. Pourquoi suivre un accompagnement par la dramathérapie ?
- Quels bénéfices ?
- Nuances
- La dramathérapie comme substitut ?
III. Qui suis-je ?
***
I. Vocabulaires, définitions et présentations.
I.1 Vocabulaire
Certains disent art-thérapie par le théâtre mais quand on se spécialise pleinement dans le métier, le terme est dramathérapie. En Italie, Walter Orioli parle de teatroterapia, théâtrothérapie… il existe donc plusieurs façons de parler de notre métier, celui du soin par le théâtre.
J’attire votre attention sur un point important :
DRAMA NE SIGNIFIE PAS DRAME AU SENS TRISTESSE, DOULEUR….
Dans le langage courant nous perdons l’origine des mots et nous laissons notre compréhension au niveau de nos conceptions contemporaines. Si nous continuions à étudier le latin et le grec nous découvrions le terme de drame est emprunté au latin Drama, du grec Drama, que cela signifie « action » et, particulièrement, « action jouée sur scène ; pièce de théâtre ».
La dramathérapie est donc la thérapie par l’action de jouer des scènes. Ces scènes peuvent être tout autant joyeuses que tristes ou terribles.
I.2 Définitions et présentations
Vous noterez que je mets un tiret dans l’appellation du métier art–thérapie car dans la formation que j’ai suivie, l’INECAT, et dans mon ressenti personnel, notre métier est bien la rencontre entre ces deux disciplines du théâtre et de la thérapie, nous sommes à l’endroit du tiret, à l’endroit de ce lien.
Le théâtre au service du soin est donc né d’une union entre la psychologie et le théâtre. Petit à petit le théâtre thérapeutique est sorti du cadre de l’esthétique théâtrale que l’on peut connaître et il finit par se spécialiser en deux grandes branches : Le psychodrame et la dramathérapie.
I.2.1 Le psychodrame
Fondateur
Une première approche du théâtre dans un contexte de soins est le psychodrame dont le père fondateur est Jacob Lévy Moreno.
Présentation
Afin de développer une théorie et une pratique psychodramatique, Moreno a pensé son approche du théâtre et de l’accompagnement par le théâtre en inventant des concepts de :
- Spontanéité,
- Rôles,
- Sociométrie,
- Psychothérapie de groupe.
À partir de ces concepts, il a mis au point un modèle psychologique du développement de la personnalité, de la souffrance et de la guérison d’une personne : le psychodrame de groupe[1].
« Créé par Moreno dans les années 1920, le psychodrame est une forme de psychothérapie dans laquelle une personne met en scène des problèmes personnels plutôt que de simplement en parler. Le protagoniste (le sujet de la mise en scène) est guidé par le metteur en scène (le thérapeute), tandis que d’autres personnes du groupe servent soit de public à la mise en scène, soit de rôles auxiliaires dans la mise en scène (représentant d’autres personnes dans la vie du protagoniste ou alter égo). Le protagoniste dépeint et explore les drames de sa vie via la mise en scène en direct. Cette extériorisation de son monde intérieur lui permet de témoigner et de faire témoigner ses dilemmes. »[2]
Depuis l’expérience de Moreno, deux grands courants de psychodrames ont vu le jour :
- Celui très psychanalytique et analytique à la française.
- Celui plus de l’approche à l’américaine
D’après ce que j’ai compris l’approche du psychodrame à l’américaine diffère quelque peu du psychodrame à la française. Ce n’est pas là ma spécialité, je ne vais donc pas développer plus encore.
Il est possible d’être suivi en individuel ou en groupe. Cependant, le psychodrame analytique individuel est à différencier du psychodrame psychanalytique de groupe.
Se former
Les psychodramatistes suivent des formations spécifiques.
Avoir une expérience théâtrale n’est pas une condition préalable à la certification en psychodrame.
I.2.2 L’art-thérapie par le théâtre : la dramathérapie.
Fondateur
Contrairement au psychodrame, la dramathérapie n’a pas de fondateur unique mais elle est habitée de plusieurs influences :
- Rituels de passages
- Catharsis (Aristote)
- Energie de l’enfance
- Thérapie par le jeu
- Théâtre expérimental
- Improvisation
- Drame éducatif
- Drame récréatif
- Théorie sociologique
- Psychodrame et sociodrame
- Théorie de la performance et formation des acteurs
- Théâtre playback
- Jeux de rôles
Hommes et Femmes qui ont contribué à sa naissance et son évolution :
- Stanislavski – le valeur d’authenticité
- Brecht – faire réfléchir, distance esthétique et remettre en cause l’autorité
- Artaud – catharsis et expression transpersonnelle
- Viola Spolin – spontanéité et créativité
- Augusto Boal– Le théâtre de l’opprimé/théâtre forum
- Walter Orioli – Rituel de la représentation.
- Keith Jonhstone – La spontanéité et jouer vrai
- Donald Winnicott – Jeu et réalité
- Jacob Levy Moreno – Fondateur du psychodrame, Pionnier de la psychothérapie de groupe
- Renée Emunah – les 5 phases
- Armand Volkas – Guérir les blessures de l’histoire
- Jean-Pierre Klein – Le théâtre de la réminiscence
- Laura Sheleen – Théâtre pour devenir autre
- Patricia Attigui – Travail de texte avec des personnes psychotique
- etc.
Présentation
L’art-thérapie par le théâtre vise à développer le potentiel de chacun et à soigner à partir des dimensions de mise en jeux du corps par l’action et au travers de scènes fictives ou proches de la réalité des personnes accompagnées.
Elle peut être vécue en groupe ou individuellement.
Les préalables qui habitent tous les art-thérapeutes :
- Tout est déjà en la personne et il n’y a qu’un pas pour que cela se révèle à elle,
- L’effet cathartique.
Ainsi, jouer et faire semblant au travers de scènes fictionnelles engendrent en chacun des comédiens un espace de liberté dans lequel ils peuvent enfin se donner des permissions dont la plus importante est la permission d’être. De ce fait, les ateliers de dramathérapie favorisent l’expression et la révélation de soi, bien qu’indirectement. Jean-Pierre Klein[3] appelle cela la stratégie du détour. Cette dernière distinction s’applique à la fois à la thérapie théâtrale de groupe et individuelle.
Une grande variété de procédés théâtraux sont utilisés dans la dramathérapie :
- Les jeux de rôle,
- La reconstitution,
- L’improvisation,
- Les jeux de théâtre adaptés,
- La narration,
- Les marionnettes,
- Les masques,
- Le mime,
- Les scènes scénarisées,
- Les rituels,
- …
A travers la fiction, les personnes en soins peuvent :
- Exprimer et laisser jaillir en dehors d’elle-même tout le trop plein émotionnel,
- Essayer, goûter à la réalité à travers des scènes fictives avant de les vivre dans la « vraie vie »,
- Revisiter leur propre histoire personnelle à travers l’interprétation d’un personnage,
- Développer leur spontanéité qui est la clé du développement de la liberté et de la responsabilité personnelle,
Tout ceci ayant pour répercutions palpables :
- Une meilleure connaissance de soi,
- Un développement (croissance, grandir, s’éveiller…)
- Une guérison.
Ou trouver de la dramathérapie
Dans des lieux spécialisés
- Hôpitaux
- Centres de santé mentale
- Prisons
Dans des lieux privés
- Organisations
- Écoles, collèges, lycées
- En cabinet ou à domicile
- Associations
- Entreprises
Se former
Il existe plusieurs approches de l’art-thérapie mais toutes ne sont pas reconnues par l’Etat.
Pour s’inscrire, les thérapeutes dramatiques doivent avoir une formation en théâtre (de même, les thérapeutes dans chacun de leur art : danse, peinture…). Un art-thérapeute se doit de bien connaitre son médium, les spécificités qui le composent et les répercussions sur celui ou celle qui le pratique.
I.2.3 Mais alors quelles différences entre le psychodrame et la dramathérapie ?
Oui il existe des similitudes évidentes et profondes entre les deux approches, il est naturel de se demander en quoi les deux diffèrent.
Le psychodrame se concentre sur une personne à la fois dans le groupe, le protagoniste central, qui reconstitue des scènes de la vie réelle ou des scènes qui ont au moins un lien clair avec ses dilemmes réels. Bien que le groupe soit impliqué en tant que public ou en tant qu’acteurs dans le drame du protagoniste, la thérapie est néanmoins orientée individuellement.
La thérapie par le théâtre, est davantage axée sur le groupe en plus de l’individu. Le processus de groupe et l’interaction dans le groupe, joue dans l’évolution de tous les membres qui le composent. De plus, les scènes de la dramathérapie ne sont pas nécessairement directement liées à l’expérience réelle. Au contraire, la dramathérapie utilise beaucoup plus l’improvisation de scènes fictives. La dramathérapie peut aussi reposer sur du travail de texte comme en témoigne le travail de Patricia Attigui dans son ouvrage Jeu, transfert et psychose. De l’illusion théâtrale à l’espace thérapeutique.
II. Pourquoi suivre un accompagnement par la dramathérapie ?
II.1 Quels bénéfices ?
Accompagnement sur-mesure.
Le modèle de thérapie par le théâtre est un parcours thérapeutique rythmé et progressif basé sur l’émotion, la relation, les personnages plutôt que sur un résultat artistique convenu, une performance rémunérée ou pour répondre aux exigences d’un metteur en scène. On suit l’évolution du groupe, de ses membres et de la personne en accompagnement individuel pas à pas. Ainsi, petit à petit, le travail progresse de niveaux superficiels à des niveaux plus profonds de jeu, d’intimité et de révélation de soi.
La dramathérapie fonctionne en groupe mais aussi sur des accompagnements individuels.
Un pont salutaire
Les mises en scène dramatiques permettent de créer un pont entre :
- Ses limites et ses aspirations,
- Qui nous sommes et qui nous espérons devenir.
- Le fantasme et la réalité.
Puisque le cerveau ne fait pas la distinction entre le réel et la fiction bien que les scènes soient jouées sur un mode fictif, l’expérience est vécue comme bien réelle par notre esprit.
Le mode fictif nous permet de vivre sans danger ce qui peut être encore hors de portée dans la vie réelle, comme :
- Exprimer des émotions redoutées,
- Exposer des aspects obscurs de soi,
- Changer des modèles de comportement,
- Présenter de nouveaux traits de soi,
- Exprimer et résoudre symboliquement les conflits internes,
- Assimiler la réalité,
- Atteindre un sentiment de maîtrise et de contrôle,
- Libérer les émotions refoulées,
- Apprendre à contrôler des impulsions potentiellement destructrices par le biais de la fantaisie,
- Exprimer des parties non acceptées de soi,
- Explorer des problèmes et découvrir des solutions,
- Pratiquer pour des événements réels, exprimer des espoirs et des souhaits,
- Expérimenter de nouveaux rôles et situations,
- Et développer un sentiment d’identité (Courtney, 1989),
- Partager des histoires personnelles,
- Résoudre les problèmes,
- Exprimer des sentiments,
- Réaliser la catharsis et la perspicacité,
- Explorez l’expérience intérieure,
- Surmonter les comportements malsains,
- Améliorer les compétences en matière de relations interpersonnelles,
- …
Sortir d’un scénario négatif de sa vie
Une fois que nous avons vécu l’expérience, bien que sur un mode fictif, elle peut faire partie de notre répertoire de la vie réelle. Nous avons acquis de l’expérience qui peut maintenant s’exprimer dans notre vie personnelle.
Les mises en scène de la dramathérapie sont composées non seulement de notre moi présent et de notre moi passé, mais aussi de notre moi futur. La thérapie par le théâtre s’appuie sur la capacité humaine de modifier son scénario de vie. Il est donc possible de sortir d’un roman négatif de sa vie.
Donner aux autres pour se donner à soi
Une fois qu’une personne en soins a reçu et assimilé par les scènes fictionnelles des nouvelles données, et que par le groupe elle a pu donner aux autres, elle explore la possibilité de se donner cette nourriture à elle-même. Par le groupe j’apprends à donner en dehors de moi-même pour ensuite savoir me le donner aussi.
La personne met en scène diverses parties de soi, joue un rôle en s’adressant à l’autre ou aux autres, assume le rôle d’un « moi plus sage », ou simplement improvise une scène réaliste dans laquelle elle est seule. Choisie un texte qui lui parle… Etc. Plein de possibilités s’offrent à nous.
L’évolution psychologique de la dramathérapie résulte à la fois de la capacité à recevoir le soutien des autres et de la capacité à se soutenir soi-même. C’est pourquoi le groupe en dramathérapie est si important. Cependant tout ceci est possible aussi en individuel en cabinet. C’est de la relation avec le dramathérapeute que résultera une partie de la transformation.
C’est pourquoi avant tout accompagnement il y a une première séance pour se rencontrer afin de s’assurer que l’on est prêt, tant du côté du thérapeute que de la personne en demande de soins, à travailler et avancer ensemble.
La dramathérapie permet donc :
- D’exploiter les ressources intérieures,
- D’apprendre à nous rassurer
- De développer nos forces,
- De favoriser l’autonomie,
- D’atteindre la résilience.
II.2 Nuances
Aucun dramathérapeute ne tient pour acquis que la reconstitution d’événements traumatisants soit nécessairement bénéfique. C’est pourquoi il y a davantage de passages par la fiction.
Certes, ce qui fait soin c’est de revivre un traumatisme (Cf Freud) mais cela ne doit pas être frontal.
De même, toutes les séances et les scènes vécues ne conduiront pas nécessairement à une catharsis.
La guérison, s’il y en a une, résultera d’un long chemin bordé d’étapes intermédiaires, de peurs, d’avancées foudroyantes, de retours en arrière, de blocages, d’émotions légères et lourdes…
Quand, comment et si travailler sur une scène doit être soigneusement examiné. C’est là tout l’art du dramathérapeute.
II.3 La dramathérapie comme substitut ?
Si la dramathérapie peut suffire à elle-même, elle peut être utilisée aussi en complémentarité d’autres pratiques.
On constate bien que, dans les institutions, les patients bénéficient de plusieurs approches qui agissent conjointement.
Personne ne peut se substituer à personne au contraire !
Par exemple prenons le cas d’une personne suivie parallèlement par un psychologue et un dramathérapeute.
- Certaines séances avec le psychologue peuvent déranger, l’espace de dramathérapie devient alors un espace pour libérer ce qui est…
- Inversement un jaillissement dans une scène de dramathérapie peut ensuite être traitée et verbalisée avec le psychologue.
L’art-thérapie comme la dramathérapie ne fait pas d’interprétation, ce n’est pas notre métier. Nous avons la mission de mettre en mouvement ce qui était éteint, de donner la vie à ce qui était mort, de faire jaillir ce qui était caché, de laisser sortir ce qui demande à s’exprimer, etc. mais en aucun cas interpréter la cause profonde de ce qui s’exprime. Ce que l’on observe est l’évolution de la personne, ses apaisements, ses changements d’expressions, de postures, etc.
A chacun son métier, interprétations ou prises médicamenteuses ne sont pas de notre ressort.
III. Qui suis-je ?
Je m’appelle Cécile Huré, je suis art-thérapeute spécialisée dans le théâtre, l’écriture imaginative & le conte thérapeutique.
Je suis tellement passionnée par cette voie que je suis heureuse de vous partager mes recherches et réflexions tant dans l’art-thérapie que dans la dramathérapie française et américaine.
J’accompagne des groupes et des personnes en individuel, en présentiel et en visio.
Je suis basée actuellement sur Vannes en Bretagne sud.
[1] http://www.psychodramequebec.org/origines-du-psychodrame.php & https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychodrame_humaniste_de_Moreno
[2] Acting For Real Drama Therapy Process, Technique, and Performance- Renee Emunah (Auteur) 2019
[3] Jean-Pierre Klein est un psychiatre, chercheur en psychothérapie, essayiste et auteur dramatique. Il est une figure centrale de la théorisation de l’art-thérapie en France.